Drapeau de la métairie de Dombresson (Frienisberg)Chères amies et chers amis clubistes,

1h56, 2h21 et 2h47, trois durées permettant de parcourir l’un ou l’autre itinéraire.1h56 c’est en gros le temps que les guides pédestres donnent pour aller de St-Imier à l’Aigasse, 2h21 pour atteindre Chasseral et 2h47 pour arriver à la Métairie de l’Isle. Pourtant, dans le Guiness book, en 2009, 1h56 c’est surtout le temps qu’il a fallu à Ueli Steck pour vaincre, en solitaire et sans assurage, la paroi nord du Cervin, 2h21 pour celle des Grandes Jorasses et 2h47 pour triompher de la paroi nord de l’Eiger. Cette suite de prouesses incroyables, significatives de l’esprit actuel, esprit sensible aux records, aux exploits, à la compétition, est l’image contemporaine de l’alpinisme pour les jeunes ce que je peux fort bien comprendre. L’homme a besoin de pousser toujours plus loin ses limites, de se lancer jour après jour de nouveaux défis. Alors, toutes les voies ayant été ouvertes et explorées, tous les sommets des Alpes atteints, que reste-t-il pour les jeunes alpinistes avides de défis et de sensations nouvelles ? La vitesse et la technique, la virtuosité et le besoin de repousser toujours plus loin les limites du possible semblent être une réponse humaine et cohérente que je ne peux qu’approuver. La vision de l’alpinisme ne peut toutefois pas se limiter à une suite de performances inimaginables il y a quelques années, non, l’alpinisme est pour moi quelque chose de plus complet, de plus profond, de plus enrichissant, un coffret mystérieux qui ne s’ouvre qu’avec un mot magique : le mot rencontre. Oui c’est la clé de voûte de l’édifice, la fondation de la maison, la colonne vertébrale de notre idéal que cette notion de rencontre. C’est simplement la volonté de mettre au centre de nos préoccupations, de nos actions, de notre façon d’être, de nos décisions, l’autre, celui ou celle avec qui on va faire la course, celui ou celle avec qui l’on va vivre sa vie associative, celui ou celle avec qui l’on devra choisir, cheminer, franchir les obstacles, lutter, bref celui ou celle, ceux ou celles qui seront nos compagnons de cordée. Cheminer ensemble, à la même corde, qu’elle soit réelle ou symbolique, c’est oublier les rapports de force de la société, les hiérarchies, c’est comprendre que l’argent ne peut pas tout, c’est aussi et surtout fixer son rythme, son avance, sa progression, ses objectifs en tenant compte de ceux que l’on a rencontré et que l’on découvre, du plus faible, du moins entraîné, du plus novice et cela rejoint réellement mon idéal de vie.

Lundi, il y aura 20 ans que le mur de Berlin est tombé, ce mur construit, mais aussi détruit par l’homme, mur qui séparait, qui excluait, qui divisait. Les Alpes sont aussi une barrière gigantesque, indestructible, un obstacle infranchissable qui pourrait séparer ou isoler les peuples. Et pourtant ces Alpes ont réuni autour d’un même idéal les hommes de toute l’Europe et du Monde. Elles sont sources d’inspirations, d’exploits et surtout de beauté absolue. Elles nous fascinent, nous défient, nous effraient mais nous attirent, elles sont un bout de nous-mêmes. Ils ne nous restent qu’à espérer que l’homme ne détruira pas ce mur de beauté, cette grandiose merveille que sont nos Alpes, car contrairement à Berlin où la destruction signifiait l’ouverture d’une prison gigantesque, dévaster nos montagnes reviendrait à perdre définitivement nos espaces de bonheur et de liberté. Ce coin de terre, de rochers, de glace que nous ont légués nos pères, que nous avons emprunté à nos enfants, s’appelle la patrie. Pas besoin de politique, de nationalisme exacerbé et provocateur, pour parler de la patrie, non juste le constat que nous avons eu beaucoup de chance de naître au centre de l’Europe et d’y vivre libre dans nos montagnes.

A Zermatt, sur une croix, quand on monte de Furri à Findelen, j’ai pu lire, gravée dans le bois, une inscription qui dit tout, que nous soyons croyants ou pas, je traduis librement :

Si tu veux adorer Dieu, va dans les Eglise.
Si tu veux voir la magnificence de Dieu, va dans les montagnes.

Je lève mon verre et porte un toast à la beauté et à la magnificence des Alpes et au bonheur de vivre dans ce petit coin de terre, avec l’espoir que vous et moi puissions encore longtemps profiter de la beauté de cette terre et des rencontres merveilleuses qu’on y fait.

Je vous remercie de votre attention.

Jacques Zumstein


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